Le battage médiatique autour de cette saga vampirique étant assez impressionnant, et ce d’autant plus qu’elle semble faire concurrence à Harry Potter (non mais franchement, vous y croyez vous ?), j’ai décidé de lire ce qui tenait éveillées les midinettes de quinze ans, fan de Tokyo Hotel et allergique à la lecture. Certes, j’avais eu tout un tas d’échos négatifs, autant sur le livre, le film que l’auteur, mais après tout, j’ai toujours rêvé d’être ethnologue…
La débilité profonde de l'adolescent prude et néanmoins en rut dans la société conventionnelle américaine, une étude de l'américaniste impliquée.
(Merci à Camille Cl pour ce merveilleux titre de thèse)
J’avoue, je partais avec un a priori des plus mauvais. Mais au bout de dix pages, il a fallu que je me rende à l’évidence… Dans quelle galère est-ce que j’étais allée me fourrer encore une fois ? Je ne pouvais pas lire Harry Potter comme d’habitude ?
I. Pourquoi ça plaît (dans la mesure où jamais on n’a ouvert un bouquin bien) ou pas (quand généralement on a déjà lu un livre)Pourquoi ça plaît ? Tout d’abord parce que c’est facile à lire. Très. Certes, les pages sont ponctuées d’expressions totalement inconnues, mais le mot le plus complexe à déchiffrer fut « argousier ». Ou « aéroport ». Alors forcément, quand les seules phrases que l’on lit sont les énoncés des problèmes de math, ça aide. Bref, cette facilité déconcertante explique le comment ma cousine a réussi à lire les quatre volumes en une semaine.
Mais bon… Ca se lit peut-être très vite, mais quelle torture ! Je n’avais encore jamais lu un best seller aussi mal écrit ! L’auteur a tout écrit à la première personne, d’accord, c’est un choix. Mais en plus de zapper totalement la floppée d’autres personnages, pourtant bien plus intéressants, on a ici droit aux états d’âmes d’une gamine de 16 ans, franchement pas mature pour son âge, mais en même temps, totalement décalée : est-ce qu’une ado normale, ayant vécu toute sa vie à Phoenix, Arizona, emploierait dans la même phrase l’expression « à cheval donné, on ne regarde pas la bouche » et « ça me tape sérieusement sur le système ! » ? Si les collégiennes ont compris la deuxième phrase, je suis certaine que le sens de la première leur échappe encore.
On ne compte pas non plus les pages de description totalement inutile, la palme revenant aux trois pages expliquant comment elle accède à son moteur de recherche favori (sic) pour consulter les pages portant sur les vampires. En plus de prendre conscience que la jeune demoiselle ne connaît pas Wikipedia, on découvre qu’elle n’a pas de système anti-virus, en témoignent les pop-up qui envahissent son écran. Bref, un passage d’un ridicule hallucinant, même pour les plus jeunes, qui savent parfaitement se servir d’un serveur !
Mais malgré tout ça, je dois bien avouer que l’histoire à de quoi plaire. Aux plus jeunes, l’aspect Roméo et Juliette, je t’aime moi non plus mais tu sais qu’on ne peut pas être ensemble enfin pas tant que je ne t’ai pas dit le secret sous la pluie que je n’ai pas le droit de te dire ne t’en fais pas. Un vrai pitch de film français. Mais aux autres, l’histoire peut paraître intéressante. Elle M’a paru intéressante. Pas longtemps, mais quand même. D’ailleurs, elle regroupe tous les éléments qui font que ça peut être bien : les vampires revisités, les autres créatures, les mythes amérindiens (ben oui… c’est l’Amérique bien pensante, faut bien avoir un quota de sauvages quand même !), les belles voitures, les bals de fin d’année…
Sinon on passera outre le fait que « oh mon petit ami que je n’embrasse pas ni ne touche parce que oh c’est mal est un vampire » ne semble gêner personne, encore moins la première concernée qui accuse le coup avec autant de self contrôle que si on venait de lui dire que le supermarché du coin serait en rupture de stock de dentifrice pendant une semaine, et que le seul passage quelque peu palpitant ne prend place qu’à cinquante pages de la fin, parce que sinon, on en aurait pour des heures !
II. Des références détournées au profit d’une mentalité puritaineBen oui, parce que Meyer ne l’a pas sorti de son grand sac en toile de jute l’histoire du vampire. Ni celle du couple mixte non plus d’ailleurs. On a tous vu Dracula, Buffy, Entretien avec un Vampire, et même plus récemment True Blood.
D’ailleurs, c’est ce dernier bouquin qui semble le plus proche de Twilight. Tout d’abord, le fait que l’histoire soit raconté à la première personne du point de vue de la jeune humaine, vierge et innocente (quoi que Sookie ne le reste qu’une cinquantaine de pages…) Ensuite, l’histoire de lire dans les esprits sauf, on ben zut alors !, dans celui de la personne qui justement nous intéresse.
Pour ce qui est d’Anne Rice, très peu de références en revanche. Qui oserait aller piocher dans les romans homo-érotico-gothique de la dame de Louisiane ? Cependant, le côté humaniste torturé de Carlisle n’est pas sans rappelé celui de Louis.
On trouve aussi des références artistiques. Oui oui ! Comment ça, vous ne saviez pas que Solimena avait peint ses fresques en prenant pour modèles des vampires ? (A ceux qui ont lu Anne Rice aussi ça leur rappelle quelque chose ?) Mais la meilleure reste quand même à la musique. Et là, c’est le drame. Parce que passé la 300e page, je me suis dit qu’il fallait avouer que cette chose se lisait. Mal, mais se lisait quand même. Sauf qu’à la page 309, au début du chapitre 14, on a cette réplique :
- Tu aimes la musique des années cinquante ?
- Elle était très bonne, à l’époque. Bien meilleure que celle des deux décennies qui ont suivi. Pouah ! Au moins, c’est redevenu supportable à partir des années quatre-vingt.
Si j’avais pu passer outre les sentiments d’ado bien pensants, les Amérindiens empêtrés dans leur traditions antédiluviennes, des expressions dont seul Robert peut permettre d’en déchiffrer le sens, ça non. Comme quelqu’un de normal peut-il oser affirmer une chose pareille ?
Mais ! L’auteur tente de faire preuve d’originalité ! Oui madame ! Pour elle, on devient vampire après morsure, parce que les crocs des méchants sont imbibés de venin ! Le vampirisme comme virus, fallait y penser ! … Non mais de qui se moque t’on ? Parce que si il y a bien une chose qui n’a jamais changé d’un bouquin ou d’un film à l’autre, c’est le mode de transformation ! Mais bon, faut bien avouer que ça devait faire un peu trop pour les pauvres lecteurs… Parce que mine de rien, il n’y a rien de plus érotique dans n’importe quelle histoire de vampire que ce passage là !
Alors en conclusion de cette brillante étude qui je n’en doute pas une seconde vous a donné envie de vous jeter sur Fascination, plusieurs choses. J’ai tout d’abord bien envie de regarder le film, histoire de poursuivre l’étude, et de voir ce que le réalisateur a pu faire avec ça. Et de vérifier par moi même si Pattinson est si beau que ça. Mais surtout, surtout, je vais passer la prochaine semaine à lire Anne Rice, histoire de me désintoxiquer de tous ces bons sentiments vampiriques !
Lo, va aller se rouler en boule sous la couette avec JKR
P.S. les dessins, c’est
là